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Les idées reçues sur les teintures textiles

Innovation

11 janvier 2021
Les idées reçues sur les teintures textiles 1243 483 Good Fabric

Nos vêtements et sacs fleurissent de couleurs, surtout lorsque l’été bat son plein et qu’on peut enfin sortir nos habits confinés au placard tout le printemps. Or, les fibres ne poussent pas naturellement rouge framboise ou vert canard, et ces couleurs n’apparaissent pas par magie sur les tissus. D’ailleurs, les tee-shirts blancs ne sont pas si immaculés que ça. Dans cet article, nous vous prenons la main pour délier le vrai du faux quant aux produits chimiques utilisés par l’industrie textile, notamment pour donner de jolies couleurs à votre garde-robe.

La teinture implique toujours l’utilisation de produits chimiques nocifs – FAUX

Teinture naturelle VS synthétique

La teinture est réalisée à l’aide d’un colorant ou pigment pouvant être synthétique (comprendre synthétisé en laboratoire par l’homme) mais aussi végétal, minéral ou même issu de coquillages et insectes. Aujourd’hui, l’industrie textile utilise chaque année plus de 2 millions de tonnes de produits chimiques et de colorants synthétiques [1]. Pourtant il existe des milliers de plantes tinctoriales, pour lesquelles on allait jusqu’au bout du monde il y a encore 150 ans [2].

L’indigo végétal issu principalement de l’indigofera tinctoria aurait été utilisé dès 5 000 avant J.C. pour les tombes égyptiennes jusque dans les années 1900 [3] et est inoffensif pour le vivant (sous réserve que le processus de teinture le soit aussi). Aujourd’hui l’indigo de nos jeans de tous les jours est quasi exclusivement artificiel, sans compter que sa synthèse et son application utilise des substances ou produits chimiques dangereux. Le bonus ? Souvent cela implique également des rejets néfastes dans les effluents et des résidus indésirables sur les textiles, ainsi que de piètres conditions de travail dans les teintureries. Il s’agit en quelque sorte du « prix à payer » rétroactivement pour l’utilisation massive de réactifs issus de la pétrochimie, s’expliquant notamment par leur coût très compétitif et leur rapidité d’application.

Les teintures naturelles auraient-elles disparu ?

Un regain d’intérêt vers les teintures plus naturelles est observé parmi les consommateurs et les marques ou entrepreneurs. La demande augmente rapidement du fait de leur caractère éco-responsable, non-toxique et non-cancérogène [4][5]. Parmi celles-ci, les teintures végétales sont les plus populaires car faciles à obtenir pour de nombreuses couleurs, plus éthiques que celles animales (coquillages et insectes) de certains points de vue et, plus sûres que celles minérales qui ont pu être toxiques historiquement.

Les inconvénients soulevés sont que ces couleurs végétales seraient souvent plus sensibles aux facteurs physicochimiques tels que la lumière, les frottements ou les lavages et, que la couleur varie légèrement selon les lots. Cependant, elles sont de plus en plus stables car les procédés sont en réelle voie d’amélioration [4] et, il en va de la responsabilité des marques et usines de réaliser des tests de résistance de la couleur en amont. Quand bien même, les consommateurs peuvent accepter le caractère unique que les colorants naturels créent. L’aspect vintage des jeans teints à l’indigo et ayant bien vécu faisait partie de leur popularité, et nous les pré-délavons aujourd’hui à cet effet [3].

Gare au greenwashing !

Néanmoins, gare au greenwashing : un colorant d’origine végétale ne veut pas dire que tout le processus de teinture est non-nocif pour l’homme, la biodiversité et l’environnement. La cohérence voudrait que tout solvant, additif, stabilisateur ou mordant (qui aide l’agent coloré à se fixer sur les fibres lors du mordançage) le soit aussi. Puis dans l’idéal, le procédé de teinture serait aussi aligné avec la chimie verte que possible (recyclage des fluides en circuit fermé ou retraitement des eaux usées et des émissions de gaz par exemple) [6].

Les produits chimiques ne resteront jamais tous à 100% dans vos vêtements – VRAI

Ils partent un peu à la machine mais c’est tout, non ?

L’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) recommande de laver tout vêtement neuf avant de le porter, afin d’atténuer la libération de produits résiduels nocifs [7], dont certains arrivés à l’étape de teinture. D’autres étapes de traitements peuvent laisser des résidus : blanchiment, apprêts et finitions (infroissable, déperlant, imperméable, ignifuge, brillant etc.). Mais même si la concentration de ces résidus au sein des fibres du textile diminue beaucoup les premières semaines, leur diffusion à faible dose a lieu pendant des années. En effet, une diffusion vers le milieu extérieur et/ou la peau, même si elle est minime, est inévitable et favorisée par les frottements au porter, la transpiration ou les lavages. De fait, la fixation des molécules ou substances intervenant lors des étapes de teinture et ennoblissement n’est jamais parfait « ad vitam aeternam » sur un textile.

Quelles conséquences ?

Aussi, même imperceptibles, ces produits prenant la poudre d’escampette et possiblement toxiques ou irritants peuvent provoquer des réactions chez certaines personnes. En France, des données issues du Groupe d’études et de recherches en dermato-allergologie (GERDA) en 2016 indiquent que 1 à 5% des cas d’allergies ou dermatites de contact testés seraient liés à l’habillement, et 3 à 11% des cas induits par les chaussures lorsqu’il s’agit des pieds [7]. Ils peuvent également être libérés lors des lavages et potentiellement perturber les écosystèmes aquatiques en aval.

Oeko-Tex® Standard 100 est le seul label garantissant l’innocuité du produit fini, dont sa teinture – FAUX

On part d’où ?

La règlementation européenne REACH (Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals) limite légalement l’utilisation de certains produits chimiques dangereux.  Pour aller plus loin, s’engager à respecter la liste des substances restreintes MRSL du ZDHC (Manufacturing Restricted Substance List ; Zero Discharge of Hazardous Chemicals) est un bon premier pas vers un contrôle des intrants chimiques.

Quelle est la valeur ajoutée des certifications ?

Pour autant, les certifications avec audits constituent un réel engagement dans la suppression des risques de toxicité et ce, d’autant plus si des tests analytiques sur produits sont à réaliser. Savoir reconnaître les labels textiles en question tels que GOTS, Bluesign® et Oeko-Tex® Standard 100 permet de moins s’abîmer les yeux à décrypter les étiquettes. De fait un éventail de colorants, entre autres, sont cancérigènes et/ou allergènes (colorants azoïques et certains colorants dispersés par exemple) ou contiennent des métaux lourds.

Tous les mêmes ?

Connu pour sa spécialisation dans la non-nocivité des produits textiles pour l’humain, Oeko-Tex® Standard 100 n’a pas réellement de focus environnemental (n’a pas d’exigences concernant les rejets d’effluents par exemple) ni social ou bien-être animal [8]. A contrario, GOTS dans sa dernière version est à la pointe en termes d’innocuité (comparable à la classe 1 pour bébé de l’Oeko-Tex® Standard 100), en plus de garantir à minima 70% des fibres naturelles issues de l’agriculture biologique, des conditions décentes de travail tout le long de la filière, et le bien-être animal lorsqu’il s’agit de fibres animales [9]. Le label Bluesign® prône une utilisation responsable et productive des ressources pour réduire ses impacts environnementaux. Il combine les aspects de la sécurité des consommateurs (i.e. innocuité), la qualité des eaux rejetées et des émissions atmosphériques ainsi que la santé au travail. [10]

Les vêtements blancs sont les seuls à ne pas avoir reçu de traitement chimique – FAUX

Le mythe des fibres blanches comme neige

Les fibres naturellement « pas assez blanches » comme le coton, le lin ou le chanvre subissent un blanchiment, soit pour leur donner cette apparence soi-disant plus « pure » soit pour faciliter leur teinture en aval. L’eau de Javel que l’on connaît pour son usage domestique est également un agent de blanchiment oxydant très utilisé pour le textile [11]. Or c’est un produit chloré corrosif, c’est-à-dire dangereux au contact de la peau ou des yeux (peut provoquer des brûlures ou lésions), et qui à haute concentration ou exposition prolongée comme dans les usines textiles peut porter atteinte à la bonne santé et aux bonnes conditions de travail des ouvrières et ouvriers. Un autre produit régulièrement utilisé pour blanchir est le dioxyde de chlore, qui est quant à lui un gaz explosif impliquant encore plus de risques.

En plus de cette étape de blanchiment, un azurage optique peut être effectué pour renforcer l’impression de blanc immaculé de certains tissus. Kesako ? Cette technique repose sur le fait que les tissus paraissent plus blancs lorsqu’on leur ajoute une petite quantité de colorant bleu voire fluorescent, pas toujours au top de l’écologie [12].

Bon, alors qu’est-ce qu’on fait ?

Des alternatives plus sécuritaires et moins polluantes existent comme le peroxyde d’hydrogène (aussi connu sous le nom d’eau oxygénée lorsqu’il est en solution) qui est recommandé par le label GOTS n’autorisant que les bains de blanchiment à base d’oxygène (peroxydes, ozone, etc.) et bannissant les azurants optiques [9]. Une autre solution est de laisser les vêtements assumer leur vraie couleur « brute », allant de l’écru au brun en passant par l’ocre et le vert pâle.

Les produits GOOD FABRIC sont certifiés GOTS pour garantir une traçabilité de nos filières, protéger les consommateurs et garantir le respect social des travailleurs à chaque étape de la chaîne de valeur. Rappelons tout de même que les textiles ne seront jamais exempts de produits chimiques, qui sont loin d’être tous nocifs et ce, avec ou sans teinture. Encore une fois, tout n’est pas blanc ou noir (sauf nos photos) car c’est avant tout la dose qui fait le poison.

Sources

[1] Iowa State University, Brewed coffee grounds offer sustainable alternative for clothing dye, 2019. Lien vers le site, consulté le 04/08/2020 :
https://www.news.iastate.edu/news/2019/09/23/coffeedye

[2] Société Chimique de France (SCF), Couleurs naturelles, chimie des plantes tinctoriales. Lien vers le site, consulté le 04/08/2020 :
http://www.societechimiquedefrance.fr/couleurs-naturelles-chimie-des-plantes-tinctoriales.html

[3] CHAVAN, R. B. Indigo dye and reduction techniques. In : Denim. Woodhead Publishing, 2015. p. 37-67.

[4] GONG, Kang, RATHER, Luqman Jameel, ZHOU, Qi, et al. Natural dyeing of merino wool fibers with Cinnamomum camphora leaves extract with mordants of biological origin: a greener approach of textile coloration. The Journal of The Textile Institute, 2020, vol. 111, no 7, p. 1038-1046.

[5] Institut Français du Textile et de l’Habillement (IFTH), Des développements dans le domaine des colorants naturels, 2017. Lien vers l’article, consulté le 04/08/2020 :              https://www.modeintextile.fr/developpements-domaine-colorants-naturels/

[6] ANASTAS, Paul T. et WARNER, John Charles. Green chemistry. Frontiers, 1998, vol. 640.

[7] Avis de l’ANSES, Evaluation des effets sensibilisants ou irritants cutanés des substances chimiques présentes dans les articles chaussants et textiles d’habillement, 2018.

[8] Oeko-Tex® Standard 100, édition février 2020

[9] Global Organic Textile Standard (GOTS) version 6.0, 1er mars 2020

[10] bluesign® SYSTEM version 3.0, mars 2020

[11] 60 millions de consommateurs HS N°131, Antigaspi, mai/juin 2020

[12] GOMEZ Gérard, BARON Jacques. Azurage – blanchiment. Abécédaire de chimie organique, version du 25/11/2019. Lien vers le site, consulté le 05/08/2020 :
https://tice.ac-montpellier.fr/ABCDORGA/Famille9/AZURAGE.htm

Par Louis-Marie VAUTIER
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